Carnet 6

Agnès Escriva

Project Description

1/ Le bec en sabot
Seul représentant de son espèce, aux mœurs assez méconnues, le bec en sabot est un grand échassier gris (1,20 m), menacé de disparition, très farouche et difficile à observer libre dans son habitat. Son bec est aussi gros que sa tête, terminé par un crochet ; il se nourrit de poissons, grenouilles et escargots. Il niche à même le sol et pond deux œufs. Ses petits naissent en octobre et volent en décembre.
En juin 2006, après un long voyage, je me suis rendue dans le marais de Bangweulu en Zambie pour réaliser un rêve : voir et approcher cet oiseau venu droit de la préhistoire.
Cette contrée marécageuse, magnifique et sauvage, pleine de bambous, de papyrus et de nénuphars, a tenu ses promesses en nous offrant de belles rencontres en 3 jours seulement. En vol, à la pêche, en balade ou faisant sa toilette, nous avons pu l’approcher discrètement en bateau, puis à pied en bravant les sangsues et les herbes coupantes, et vivre des moments d’exception.


2/ Les lions blancs de Timbavati
Les lions blancs existent à l’état sauvage dans une région unique au monde, à Timbavati en Afrique du Sud, où je les ai rencontrés.

Le lion blanc n’est pas une race, ces lions ne sont pas albinos non plus, ce sont juste des lions atteints de leucistisme. Il s’agit d’un gène mutant qui provoque une pigmentation différente des poils, de la peau et des yeux. Ce gène est récessif si bien qu’ils sont rares à l’état sauvage. Découverts en 1975 par Chris McBride, aucun lion blanc n’avait été observé depuis.
Lorsque les deux parents sont porteurs, les lionceaux ont une chance sur quatre d’être blancs. En revanche, il faut que les deux soient blancs pour qu’assurément les lionceaux soient blancs. Pas facile alors ni de se cacher des prédateurs, ni de chasser. Il arrive qu’ils soient rejetés de leur clan, ou que les femelles quittent le groupe parce que les jeunes sont différents, repérables et parfois évincés du groupe. Leur vie est compliquée…
Les lions blancs naissent et vivent dans une troupe de lions normaux. La survie des lionnes blanches est donc partiellement assurée par leurs soeurs/cousines mais les jeunes mâles qui ont déjà du mal à chasser lorsqu’ils sont fauves ont très peu de chance de survie lors de leur émancipation.

Lors d’un safari, j’ai eu la chance incroyable de rencontrer en mai 2010 deux lionnes d’une dizaine d’années avec leurs jeunes : 2 mâles fauves de 16 mois et deux femelles blanches de 14 mois. Mon guide Marka a réussi à les localiser après avoir repéré leurs empreintes sur la piste.
Les deux mères très puissantes, certainement des sœurs, sont originaires de Klaserie, une réserve voisine de Timbavati. Elles ont quitté leur clan d’origine pour protéger leur progéniture de mâles devenus menaçants et agressifs avec ces lionceaux « différents ». Le petit groupe est arrivé à Timbavati courant novembre 2009.
Nous les avons suivis pendant deux jours avant que le clan disparaisse dans la nuit.

Je suis retournée plusieurs fois à Timbavati, mais je n’ai malheureusement jamais revu ces deux lionnes blanches.
Entre 2009 et 2010, le clan a parcouru plus de 40 000 Ha pour échapper aux mâles de la région : très intéressés par les lionnes adultes, ils peuvent tuer les jeunes afin que les femelles soient de nouveau fécondes. 
Les deux lionnes blanches ont survécu jusqu’à l’âge adulte. L’une d’elles a été vue en 2016 avec un mâle et des petits. Peut-être vit-elle toujours quelque part dans le bush sud-africain ?


3/ Sauvetage de Neema
Il ne reste plus que 7000 guépards à travers le monde. En cause la disparition de leur habitat, la consanguinité, mais aussi le succès des guépards comme animal de compagnie en effet très à la mode dans les pays du Golfe. Classés comme espèce vulnérable par l’UICN, certains pays et ONG mettent les moyens pour les protéger.

Début novembre 2017, les premiers signes de la gale sont visibles sur les poils des oreilles de Neema, une femelle guépard née en 2015…

Deux mois après, le 31 décembre 2017, alors que je suis en mission pour une association qui finance un projet de protection des bébés guépards à Masaï Mara au Kenya, on nous signale la présence de Neema. Elle est méconnaissable car très affectée par la gale : ses yeux ne sont plus que deux fentes dans sa face bouffie. Ses poils sont mités, et ses oreilles pleines de croutes ou de plaies purulentes, à tel point qu’elle se gratte, et s’arrache des poils, signe d’intenses démangeaisons qui la laissent sans repos. De plus, ses tétines sont gonflées. Elle risque de contaminer les petits qu’elle vient de mettre au monde.

Neema a besoin de soins. Mais le 31 décembre, difficile d’envisager l’intervention d’un vétérinaire… Il viendra le 3 janvier après une nuit d’orage d’une extrême violence. Nous sommes chargés de localiser Neema et de prévenir le vétérinaire. Lorsque nous la trouvons elle est très loin de son nid. Le vétérinaire qui l’observe alors aux jumelles, décide immédiatement de l’anesthésier afin de la traiter. Il tire une fléchette dans sa cuisse, puis s’approche prudemment pour vérifier son degré d’endormissement, mais elle se réveille. Il sera nécessaire de lui injecter une deuxième dose d’anesthésiant avec le risque qu’elle ne la supporte pas…

Le Dr Lekolool la traite puis fait des prélèvements de sang, lait, peau, poils, selles et des insectes qui la parasitent. Il vérifie son état général et confirme qu’elle vient d’avoir des petits. Neema est ensuite réveillée et va se cacher dans le bush. Nous allons la surveiller jusqu’au soir, aidés d’une voiture de rangers, afin d’être surs qu’aucun prédateur ne l’attaque pendant qu’elle récupère.  Mais elle ne sort pas des buissons où elle s’est réfugiée. 

Le lendemain matin, elle s’est déplacée en direction du nid, mais est complètement endormie. Elle se gratte encore un peu. Trois chacals la harcèlent pendant 10 minutes, elle réagit peu… En fin d’après-midi, elle commence à bailler, faire sa toilette, et semble un peu plus réveillée… Après s’être étirée, elle tente de se lever, mais parcourt à peine 20 mètres en titubant … et se recouche. Le lendemain (5 janvier) nous la retrouvons exactement au même endroit. Elle n’a pas bougé mais semble plus en forme. Sa face a désenflé, ses yeux s’arrondissent. Elle commence à faire sa toilette, puis se lève et part… Elle traverse la rivière et entre dans une zone de conservation voisine de la réserve. Nous savons qu’elle ne retournera pas auprès de ses petits… 

Mais une fois guérie, elle aura d’autres portées : actuellement elle élève trois jeunes nés en novembre 2020 (un mâle et deux femelles) qui ne vont pas tarder à être indépendants.

© Photos et textes: Agnès Escriva

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