Carnet 3

La « tragédie » du lac au cygne

Joyau des Andes emblématique de la mythique Patagonie, lieu de convergence entre la cordillère et la pampa qui s’étend à pertes de vue, le parc national de Torres del Paine représente pour beaucoup le recoin certainement le plus sauvage de Patagonie, avec ses tours de granit légendaires et ses gigantesques glaciers millénaires qui dévalent de l’extrémité australe de la calotte glaciaire sud de Patagonie.

Mais au-delà de cette renommée mondiale chez les trekkeurs et amoureux de l’alpinisme, El Paine est aussi le territoire de la population de pumas la plus prospère de toute la Patagonie.   Opportuniste et incroyable chasseur d’affût, ce félin démontre une exceptionnelle adaptabilité pour vivre dans des écosystèmes variés, depuis les déserts les plus arides des Amériques jusqu’aux zones humides d’Amazonie en passant par les territoires enneigés de l’hémisphère sud.

La neige, ce fût justement la motivation qui nous conduisit à Torres del Paine pour cette expédition entre amis, photographes et amoureux de la nature, à la recherche du puma.

En une froide matinée d’hiver, au beau milieu de la pampa qui borde le lac Sarmiento, nous étions en train de marcher sur la rive d’un lac gelé. Nous n’apercevions pas encore le puma, mais ses empreintes omniprésentes trahissaient sa présence. Nous savions que nous étions très proches. Nous avions la sensation étrange qu’il était là, quelque part, à nous regarder…

Mais au lieu du puma, nous tombâmes sur un cygne à col noir sur la berge du lac. Le pauvre n’ayant pas réussi à fuir avant la tempête, ce bel oiseau allait vivre ses dernières heures, l’épaisseur de glace ne lui permettant pas de s’alimenter dans le lac. Après quelques clichés, nous décidâmes de poursuivre notre chemin en suivant les traces du félin à travers ce désert blanc immaculé. Le silence était de marbre, nous ne détections aucun signe de sa présence et après un certain temps, nous décidâmes de revenir lentement sur nos pas.

De retour au fameux lac des cygnes, nous fûmes surpris de ne pas retrouver l’oiseau. Serait-ce possible ? L’idée qu’un puma était passé par là quelques minutes avant nous commençait à faire son chemin dans nos esprits, sans réellement encore y croire véritablement. Tout à coup, une magnifique femelle fît son apparition derrière un buisson puis coupa le sentier que nous arpentions, à seulement quelques mètres devant nous. Elle marqua un temps d’arrêt, nous lança un regard curieux mais confiant, puis continua son chemin pour gravir une légère pente en surplomb du lac jusqu’à un promontoire au sommet duquel se trouvait un beau mâle imposant qui se reposait paisiblement sur un rocher.

© Photos et textes: Jérémie Goulevitch